Après notre trek dans les Annapurna (et le repos qui a suivi), il nous restait encore deux semaines à passer au Népal avant de partir en Birmanie, où mes frères nous rejoignaient.
Nous souhaitions depuis le départ tenter le workaway, et nous avions comme objectif d’en faire ici si nous avions assez de temps.
SOMMAIRE D’ARTICLE
Première expérience de workaway
Le principe du workaway est simple : on travaille chez l’habitant jusqu’à 5h par jour en échange du logement et des repas. Les missions peuvent être très diverses en fonction des besoins de l’hôte : cuisine, ménage, construction, enseignement, etc.
C’est une super formule qui permet de faire des économies tout en découvrant vraiment le rythme de vie et les habitudes des locaux. Immersion garantie !
Après l’échec de notre workaway de Pokhara, nous avons persévéré et nous sommes rendu dans la province de Katmandou chez les « Children of the Universe ».
Children of the Universe
« Children of the Universe » est le nom d’un orphelinat (et de l’association) qui regroupe actuellement 40 enfants népalais ou tibétains dont les parents sont décédés ou en incapacité de les élever (trop grande pauvreté, divorce compliqué ou alcoolisme).
Le gouvernement népalais ne fourni aucune aide aux enfants dans leurs cas, et encore moins ceux qui sont réfugiés tibétains. Du coup, ce sont des associations locales qui se sont créées pour le faire. Bien sur, il en reste encore plusieurs milliers livrés à eux même dans tout le pays, et le nombre a explosé après le tremblement de terre.
Tsering est le fondateur de l’endroit, qu’il gère avec ses deux frères cadets. Ils sont tous les trois nés à Katmandou, mais comme leur père est tibétain et que le droit du sang par la mère et le droit du sol n’existent pas, ils n’ont même pas la nationalité népalaise. Ça complique d’autant plus leurs démarches pour les enfants. Les trois frères ne sont jamais allés au Tibet, mais ils rêvent de ce pays qu’ils idéalisent beaucoup.
Puisqu’il n’y a pas d’aide de l’état, l’association ne vit que grâce au parrainage d’étrangers et aux dons qu’ils reçoivent. Le plus coûteux est l’école. L’école publique népalaise est réputée pour être très mauvaise. Or Tsering voulait réellement que les enfants de l’association puissent aller à l’école privée afin qu’ils apprennent l’anglais et puissent avoir une chance de trouver un travail. Mais ça coûte très cher…
Missions et vie sur place
Alors, il a eu l’idée de passer par le site de workaway pour trouver des volontaires. Ça lui permet de faire faire quelques tâches pratiques dans l’orphelinat, de trouver des contacts européens et de donner l’occasion aux enfants d’échanger en anglais avec de vrais étrangers.
Nos missions étaient variées. Globalement, le matin nous servions le petit déjeuner et nous aidions un peu les enfants à se préparer. Mais ils sont quand même hyper autonomes, alors on était souvent inutiles. Mon cauchemars c’était le moment de faire les coiffures des filles, je n’y arrivais jamais et elles finissaient toujours par le refaire…
Ensuite, les enfants partaient à l’école, et on les accompagnait parfois prendre leur bus.
Nettoyage et cuisine
Dans la matinée nous nettoyions les toilettes et les douches (il faut imaginer des toilettes utilisées par 40 gamins… ce n’était pas le plus agréable), puis on faisait quelques taches en fonction des demandes : peinture, rangement, nettoyage, linge…
L’après-midi était plutôt calme. On avait souvent du temps pour nous jusqu’au retour des enfants.
Fins de journées mouvementés
La, on passait un peu de temps avec eux (le pire étant quand ils nous demandaient de danser…), puis on allait préparer à manger pour le soir. Cuisiner m’avait manqué, mais le faire pour 40 personnes c’est quand même autre chose. On a épluché des kilos et des kilos de patates, d’oignons, de gingembre… La tâche préférée de Max était le râpage de dizaines de navets. On avait les mains défoncées ! Mais on a beaucoup appris sur la cuisine népalaise. Les plats étaient assez variés, même si on tournait quand même sur du curry de patate et du riz blanc 80% du temps. C’était un chouette moment dans la journée, surtout que les deux cuisiniers sont adorables, malgré la barrière de la langue.
Temps des devoirs
Une fois le repas fini, on allait rejoindre les enfants dans la salle d’à côté où ils faisaient leurs devoirs. On les aidait comme on pouvait, mais les règles d’apprentissage des maths ou de la grammaire anglaise sont loin derrière nous. Et puis la logique des cours népalais nous dépassait parfois… Bref, on passait surtout un bon moment avec eux en essayant de les pousser à réviser. Pas facile quand il y a 40 enfants réunis dans une même pièce, avec le niveau sonore qui va avec…
Ensuite, c’était l’heure du repas. On aidait au service et au second round ! La plupart du temps on mangeait avec les enfants, même si les adultes vont parfois manger dans la cuisine.
Après le repas, il y avait une nouvelle session de révision pour les plus grands. On n’y assistait que quand on en avait envie, des fois on préférait se mettre au chaud dans nos duvets.
Notre quotidien était donc bien occupé, et au début on a vraiment apprécié. Les enfants se sont libérés petit à petit et ils nous parlaient de plus en plus, même les plus jeunes.
Se faire comprendre
Il y avait bien sûr toujours la barrière de la langue. Toutes les cours des enfants sont en anglais, mais les profs sont népalais. Leur niveau d’anglais est donc très limité, surtout les petits. Et notre accent franco-américain n’aidait pas, parce que notre prononciation était très différente. Si on utilisait l’accent français pur, ça passait mieux. Mais ce n’est pas une bonne habitude à prendre…
Un jour, nous sommes allés à leur école pour parler de Noël et de la France aux élèves. Le directeur de l’école nous a demandé de faire des discours devant tout le monde, c’était trop stressant. Ensuite, on est chacun allé dans une classe pour répondre aux questions des enfants. On a été accueillis comme des rock star. Les enfants hurlaient, les profs avaient du mal à les contenir, je comprenais à peine ce qu’on me disait. Les enfants de l’orphelinat étaient trop fiers qu’on soit là.
C’était une super expérience pour savoir comment se passait les écoles népalaises. En fait, j’ai été surprise par le manque d’autorité des enseignants. J’imaginais une école à l’asiatique, hyper rigoureuse et exigeante. Mais tous les enfants parlent en même temps et les cours sont vraiment « à la cool ». C’est assez différent de ce à quoi je m’attendais. Ils sont quand même punis par de la violence physique, ce que je trouve fou et vraiment inadmissible. Mais ils ont l’habitude, ils en rigolent même avec les profs…
Bref, c’était pour beaucoup de raisons une super expérience. Mais quatre jours avant le départ, notre enthousiasme à été bien mis à mal.
Une bonne expérience… avec un gros MAIS
Un soir, après avoir fini la session de devoir avec les enfants, on est allés se coucher. Nous avons tout de suite remarqué qu’il manquait nos écouteurs, normalement posés sur le lit. On a tout fouillé, et on s’est aussi rendus compte qu’il nous manquait notre batterie externe que l’on avait mise en charge près de la porte.
Ce n’est pas rien de penser à un vol dans un contexte pareil, alors on a d’abord tout fouillé, en vain. Du coup, Max est allé voir le frère de Tsering, Pasang, qui fait office de manager. Max frappe à sa porte et la première chose qu’il voit en entrant c’est justement notre batterie, posée sur sa table. Il lui dit que c’est ce qu’il cherchait. Pasang lui répond que les enfants l’ont trouvé dans le hall et qu’il l’a récupérée. Étrange, puisqu’on était surs qu’elle était dans notre chambre. Mais bon.
Deux minutes plus tard, il frappe à notre porte et nous donne les écouteurs, que les enfants venaient soit disant de lui donner. Ils sont pourtant au lit…
L’affaire est close, mais le lendemain midi, alors que l’on aide les enfants avec leurs devoirs, une des filles arrive en portant les lunettes de soleil de Max. Celles qui sont sensée être dans leur boîte, dans notre sac. Deux minutes après, on trouve notre trousse de secours, aussi dans les mains d’un enfant. On leur demande d’où ça vient, mais personne ne répond. Silence total. Cette fois, on sait que quelqu’un est entré dans notre chambre et à joué avec nos affaires.
Le lendemain, Max décide donc de sortir son portefeuille et de vérifier l’argent qu’il contient. On a des comptes très précis, donc on savait ce qu’il nous restait. Et on réalise qu’il nous manque la moitié. 4000 roupies, soit un peu plus de 30 euros.
Pour notre budget quotidien et le coût de la vie au Népal, c’est un gros montant. On prévient tout de suite le plus jeune des frères qui nous répond que c’est déjà arrivé, qu’il faut fermer à clé à cause des enfants, et qu’il va chercher dans leur chambre.
À partir de la, on a passé deux jours à se demander comment les enfants avaient pu nous faire ça. On n’avait plus envie de rien faire avec eux. Venir bénévolement et se faire voler par ceux qui demandent des dons aux étrangers, c’était vraiment inadmissible.
Mais le pire, c’était l’attitude des deux jeunes frères. Je m’attendais à les voir punir les gamins, à les faire retourner leur chambre, leur expliquer la gravité de la situation. Mais personne n’en a parlé à personne. La routine n’a pas bougé.
On a même hésité à partir, complément dégoûtés à chaque fois qu’on nous demandait de l’aide. On suspectait tout le monde et je n’avais pas envie de passer du temps avec nos voleurs !
Mais deux jours plus tard, alors que je fais réviser la plus grande de l’orphelinat (16 ans), elle en vient à me demander si je n’ai pas pris des choses dans sa chambre. Évidemment, je lui dit que non. Elle m’explique alors qu’elle a perdu il y a deux jours sa montre et un porte bonheur offert par ses sponsors. Elle est allée en parler au manager, le second des frères, et il lui a dit que c’était nous, les volontaires, qui l’avions sûrement pris dans leur chambre quand on nettoyait. Mais elle n’était pas dupe, elle savait que ça ne pouvait pas être nous. Le lendemain, les deux objets ont miraculeusement réapparus dans les mains des enfants, comme pour les nôtres.
Je lui raconte alors ce qu’il nous ai arrivé, l’argent et les objets, et elle est choquée que l’on puisse accuser les enfants. Ils n’ont pas le droit de rentrer dans la chambre, et de toutes façons ils n’ont aucun endroit où cacher leur butin. Elle me dit aussi que c’est arrivé à d’autres volontaires avant nous.
Du coup, l’histoire prend plus de sens. On comprend pourquoi personne n’a été puni.
Il s’avère que Pasang, le second des trois frères, ment souvent. Il nous a juré détester l’alcool, mais il est bourré tous les soirs (sauf les rares pendant lesquels son grand frère est là). Evidemment, il n’arrive pas à s’occuper des enfants quand il est comme ça.
Pasang nous a d’ailleurs souvent demandé de l’argent, justifiant que son grand frère partait tout le temps et ne lui donnait rien. Il nous a beaucoup mis la pression, arguant que les autres volontaires l’ont tous fait. C’est simple, les seules fois où il nous posait des questions, c’était pour en arriver là.
Il a du sentir qu’on ne donnerait rien, alors il s’est servi. Il a donc volé des bénévoles en accusant des orphelins, et volé des orphelins, en accusant des bénévoles.
Une fois que l’on a réalisé ça, on a contacté Tsering, le boss et le plus grand des frères. On ne pouvait pas en rester la, parce que ces enfants n’ont aucun endroit où garder leurs objets de valeurs en sécurité. Ils devraient pouvoir se sentir en confiance chez eux ! Et je pense aussi au futurs volontaires, qui viennent la bouche en cœur et qui donnent de l’argent qui sert probablement à acheter des bouteilles d’alcool.
Sauf que Tsering est absent pendant deux jours. Il nous faut donc patienter. Et pendant ce temps, Pasang, le voleur, ne nous lâche pas d’une semelle. Il nous harcèle pour qu’on ne dise rien à son frère, avec des arguments plus culottés les uns que les autres. D’abord il nous dit que ça rendrait son frère triste de savoir qu’il y a des vols. Ce à quoi je lui répond que moi aussi je suis triste, et que je m’en fout. Ensuite, il nous dit que ça va gâcher la fête du réveillon, et que si on voulait pouvoir danser il ne fallait rien lui dire. On lui répond qu’on s’en fout. Puis il revient à la charge en arguant qu’il sait qui a fait le coup mais que le gamin qui fait ça avait déjà été puni et que si ça se reproduisait, il serait expulsé de l’orphelinat.
Nous étions donc dans une situation compliquée. Mais nos doutes se sont vite envolés quand, la veille du retour de Tsering, un des enfants nous apporte une lettre de la part de Pasang. Dessus, il est écrit qu’il est désolé de son erreur, qu’il nous souhaite un joyeux noël mais qu’il ne faut pas le dire à Tsering. Signé : un enfant de troisième année. On hallucine devant le contenu de la lettre. Il a fait semblant d’écrire à la place d’un enfant ! En plus, on voit qu’il a écrit sous la panique : son écriture est vraiment reconnaissable. Les enfants apprennent à écrire l’anglais comme nous nous avons appris le français, avec des lettres calligraphiées très rondes. Là, c’est plutôt l’écriture d’un adulte bourré et nul en anglais.
Pour ôter tout doute, je vais voir l’une des filles qui parle le mieux anglais et en qui j’ai confiance et je lui demande si c’est l’écriture d’un des enfants. Elle me confirme que non.
Alors on attend patiemment le lendemain, en agissant le plus naturellement possible. On demande alors à Tsering une discussion privée, et on lui explique toute l’histoire. Heureusement, ils nous croit tout de suite. En fait, il nous dit même que c’était déjà arrivé il y a un an. Il avait alors mis son frère à la porte. Mais plusieurs mois après, Pasang l’avait supplié de revenir et il avait fini par accepter. Mais quand on l’a prévenu qu’il y avait un problème, il a tout de suite compris que c’était ça. Il nous a fait la promesse de trouver quelqu’un en remplacement courant janvier et de mettre de nouveau son frère à la porte pour que les enfants puissent être en confiance dans leur propre maison.
On pensait que c’était réglé. Mais le pire, c’est que ce sale voleur n’a pas lâché l’affaire ! Le lendemain, pour notre dernier jour, un des sponsors principaux de l’orphelinat (une femme adorable de Singapour), venait pour rendre visite aux enfants. Ils organisent alors un concours de dessin, avec différents thèmes et des cadeaux pour les vainqueurs. Mais Pasang, dont je ne supporte à présent carrément plus la présence, ne va pas en rester là. Après le concours de dessins, il en organise un nouveau, un défi de locution.
Et lorsqu’il va expliquer le thème, je vais manquer de m’étouffer avec mon thé : « Ce que je pense de Pasang et ce qu’il peut améliorer dans sa gestion des enfants« . Six d’entre eux sont appelés à parler devant tout le monde, en anglais, pour dire ce qu’ils pensent de lui. Dès le premier, tout le monde comprend bien que les enfants doivent en fait réciter un texte appris par cœur. Ils font tous les mêmes fautes et disent les mêmes phrases mots pour mots. Et le contenu est très instructif : Pasang est la personne que j’admire le plus au monde, il n’y a rien à changer dans son attitude, il nous aide beaucoup, il est très intelligent.
Max a du mal à se retenir, et moi je sers ma tasse de toutes mes forces. Les singapouriens sont juste en face de moi et les enfants sont tellement stressés et mal à l’aise que je souris comme je peux pour essayer de les encourager. Mais au bout du 4ème, je ne pourrais pas tenir ma rage plus longtemps. Je me lève et quitte la pièce.
Max me suit quelques minutes après, et Tsering, le grand frère, fera de même. Je ne sais pas si il m’a suivi parce qu’il voulait savoir si j’allais bien ou si, lui non plus, ne supportait pas d’entendre ces enfants réciter ces amas de mensonges forcés.
Le pire, c’est qu’il n’est même pas intelligent. Les sponsors n’ont pas du tout apprécié et l’un d’entre eux a conclu l’après-midi par un discours dans lequel il expliquait qu’il est parfois dur de critiquer mais que c’est plus utile que de dire des compliments non sincères. Bam.
Quoi qu’il arrive, on sait que l’on a bien agit et on part l’esprit plus léger. D’ailleurs, si les autres volontaires avaient fait de même, on ne se serait pas fait volés, et les gamins non plus.
Une expérience en demi-teinte
C’est quand même une note assez triste pour notre première expérience de workaway. J’ai l’impression que l’histoire est toujours la même… Dès qu’un endroit semble altruiste et inspirant, il y a toujours des parts d’ombres pas jolies-jolies.
Si on laisse cette histoire de côté, l’expérience a été très chouette. Au bout de deux semaines, on était quand même contents de partir découvrir autre chose. Et en ce qui me concerne, de quitter le froid népalais. Mais les enfants étaient adorables !
D’ailleurs, si vous avez des choses chez vous qui ne vous servent pas mais qui seraient très utiles aux enfants (vêtements, jouets, etc.), vous pouvez vous rendre sur le site de l’association et contacter Tsering ! Ici : http://cou.org.np ou via info@cou.org.np.
Et ces beaux moments signeront la fin de notre voyage de 55 jours au Népal !
Prochaine destination : Myanmar !
Sri Lanka, Inde, Népal, Myanmar, Vietnam et Cambodge… Retrouvez ici le bilan et les anecdotes de nos 6 premiers mois de voyage en Asie !
Hello Melle !
Je viens te faire un petit coucou from Paris pour vous souhaiter, à Max et toi, une très bonne année 2018 !
Les fêtes ont été assez animées visiblement, et j’espère que ce dernier épisode n’a pas occulté trop longtemps les beaux instants de partage que tu as dû vivre avec les enfants de cet orphelinat. J’ai dans ma famille un petit cousin népalais adopté dans un orphelinat de ce type par une cousine de mon père à l’âge de 5 ans. Il vit maintenant en Catalogne, c’est un beau jeune homme, et même s’il a l’espoir de retrouver un jour sa famille au Népal, dont il se souvient un peu, je pense qu’il est très bien entouré et heureux dans sa vie d’étudiant.
Je vous souhaite plein de belles expériences pour les semaines et les mois à venir. A très bientôt !
Bises,
Julie