Partir en voyage au long court… sans itinéraire ni durée

Notre tour du monde, on y a beaucoup pensé.

C’était en Islande, en février 2016, où nous prenions notre première semaine de vacances depuis plus d’un an, que nous avons pris la décision de quitter Paris, nos boulots et nos amis pour aller vadrouiller.


Une situation initiale

Il y a eu plusieurs raisons à ce choix. Je venais de décrocher mon CDI. Passés les premiers mois de mise en place de mon quotidien et de mes missions, je me suis retrouvée à penser : bon, et maintenant, quoi ?

On a tout fait bien. Les études, le boulot, l’appart. On avait des salaires décents et on se débrouillait. Mais finalement, une fois ce but ultime atteint, je me suis rendue compte que ça ne me suffisait pas du tout. Loin de là.

Je ressentais un manque total de sens. On passait 45 heures par semaine au boulot (surtout Max) et je ne voyais pas la finalité. J’aime mon boulot, c’est intellectuellement intéressant. Mais je trouve ça fou de donner autant d’heures de ma vie à un autre objectif que le mien. Et je ne suis pas sûre d’être réellement utile à qui que ce soit. Maintenant que mon contrat n’avait plus de date de fin, j’étais confrontée aux grands questionnements sur le choix de la vie que je voulais mener.

Au fil de mes trois années de travail, j’avais beaucoup changée. J’ai acquis des compétences, bien sur, et même des sacrément utiles (notamment en gestion de projet !). Naturellement, j’ai appris sur moi-même. Mais je me suis aussi surprise à accorder beaucoup trop d’importance à des problèmes qui sont pourtant totalement dérisoires quand on les observe de l’extérieur. Je parle de « call », de « stratégie », de « learning »… Tout est trop sérieux.


En quête de sens

En soi, la vie que l’on menait ne me gênait pourtant pas plus que ça. J’aurai pu me laisser flotter quelques années et me contenter de nos nombreuses sorties durant notre temps libre. Pourquoi pas. C’était d’ailleurs plus facile. Mais quand j’y réfléchissais, j’angoissais à l’idée de me réveiller un jour en regrettant les années perdues devant mon ordi. Le temps de vie est ce que l’on a de plus précieux, et on le dépense chaque jour, qu’on le veuille ou non. Alors si on peut se le permettre, autant choisir comment !

J’ai pas mal hésité à m’inscrire en thèse. C’est toujours une option qui me plairait, d’ailleurs. Pour moi le savoir est ce que l’on peut laisser de plus beau et utile, aussi infime soit-il. J’avais été contactée par l’université de Laval à l’époque, mais je n’étais pas prête à me lancer dans quatre nouvelles années de recherches…

J’étais donc là, à me poser toutes ces questions. Je me disais que je faisais tous les jours ce même trajet de deux heures en métro alors qu’il y avait un monde entier sous mes pieds que j’ignorais totalement. Alors, avec Max, on parlait de plus en plus de voyage. Lui, ça a toujours été son truc, même s’il n’était pas au même stade de réflexion que moi. On attendait nos vacances avec impatience, tout en sachant que l’on aurait au maximum trois semaines d’affilées, et qu’on rentrerait encore plus crevés qu’au départ.

Et puis, en regardant tous les voyages que j’aurai aimé faire, je suis tombée sur un blog de tour du monde.


« Ah bon, les gens font ça ? »

J’ai passé une journée à naviguer sur les différents sites que j’ai pu trouver, et j’ai tout résumé à Max. Evidemment, il a tout de suite été emballé, mais il a naturellement sorti : « oui, mais nous on peut pas« . Normal, c’est aussi ce que je pensais.

Mais comme j’ai un fort esprit de contradiction, je lui ai fait un bilan du budget à prévoir et de ce qu’on pouvait mettre de côté d’ici la fin de son contrat, un an et demi plus tard. On a vu que c’était faisable. C’était quand même une décision terrifiante, alors dans un premier temps on s’est simplement laissés griser par l’idée du rêve.

On a passé la soirée et une partie de la nuit à faire un itinéraire qui regrouperait tous les pays qu’on avait envie de voir. Et plus on imaginait, plus c’était dur de retourner à la réalité et de laisser ce projet avorter.

Les semaines suivantes ont été identiques. On se renseignait : sur l’équipement, les pays, les trajets, les budgets, les vaccins, les visas, les assurances, les banques… Cherchant peut-être un argument imparable nous expliquant que c’était un rêve inatteignable, et que nous ferions mieux de rester dans notre zone de confort parisienne. Mais nous ne l’avons jamais trouvé, et c’est en Islande, dans les rues de Reykjavík, que l’on a décidé que « OUI, on le ferait« .

Partir en voyage au long court
Passage dans la capitale Islandaise

Une année et demi de réflexion…

Si la première prise de décision a été une des étapes les plus dures (et un gros soulagement une fois prise), ça n’a pas été la seule. En fait, dans ce que je lisais en ligne, je retombais souvent sur des idées similaires : les couples en tour du monde partent souvent avec pour objectif de voir tout ce qu’ils PENSENT qu’ils ne pourront plus voir quand ils auront des enfants, une maison de campagne et un chien. Alors on a pas beaucoup de temps (bien souvent le temps d’une année sabbatique) et il faut tout faire et tout voir ! Deux jours ici, trois jours là, un train de nuit, un avion, et on recommence. Certains enchaînent près de 20 pays en 11 mois.

Je ne critique pas forcément ce mode de voyage, puisque chacun a le sien et ça ne regarde personne. Mais dans notre cas, j’ai commencé à beaucoup m’interroger. Je voulais quitter une société de consommation qui ne me ressemble pas. Nous n’avons pas de meubles, on n’achète pas de vêtements, on cuisine… On n’en a simplement pas le besoin, parce que je sais que mon épanouissement personnel ne passera jamais par l’achat. C’est dans mon caractère, je me fiche royalement de ce que j’achète, et PIRE, je culpabilise. Alors ce n’était pas pour me mettre à la consommation d’expériences et de paysages en masse !

Ce que je recherche, c’est un mode de vie alternatif, même si il doit être temporaire. Prendre le temps. Sortir de sa zone de confort (à laquelle je m’accroche pourtant tellement). Avoir confiance en mon instinct. Observer. Respirer et s’écouter. Maîtriser ma pseudo hyperactivité qui me fait m’ennuyer très rapidement si je n’ai pas un objectif sous le nez – ce qui énerve particulièrement Max ! Me découvrir.


Un voyage lent sans but et sans date de retour

Après des mois de réflexions et d’échanges, Max et moi avons donc convenu de jeter notre itinéraire et nos plans. Parce qu’ils ne nous ressemblaient pas. Nous avons seulement notre pays de départ (Sri Lanka puis Inde pour moi et Inde directement pour Max) et pour le reste on suivra nos envies et les opportunités.

On a également abandonné la notion de « Tour du Monde », puisqu’on sait qu’on n’en fera pas le tour. Nous ne voulons pas sauter de site touristique en site touristique et on souhaite voyager lentement. En voir peu, mais à notre rythme. Notre rêve serait de trouver de bons vélos pour faire une partie du voyage par voie terrestre, ou des motos.

Alors bien sûr, il a fallu faire le deuil de ma carte du monde à gratter et de mon instinct de collectionneuse. Je l’ai toujours, et je la gratterais probablement. Mais le monde n’est pas fait pour être vu « en entier », parce que ça ne veut rien dire. Ce que l’on souhaite, c’est profiter du moment présent et apprendre à écouter nos envies et nos corps. Pendant les mois qui vont suivre, nous n’aurons que nous même à satisfaire, et je pense que nous allons de cette façon apprendre énormément.

Le choix de ne pas avoir de date de retour est également important. Il s’agit d’un moment clé d’un voyage au long court. Nous voulons éviter de le subir. Nous ne sommes pas contre l’idée de rentrer, évidemment, mais nous préférons pouvoir décider de revenir en France quand nous en ressentirons le besoin ou l’envie plutôt que se fixer une date arbitraire qui sera peut-être à mille lieux de notre vécu sur le moment. On peut partir deux mois, ou deux ans, ou deux cents (ça, j’en doute un peu). C’est encore un choix, puisqu’en contre-partie nous n’avons pas de sécurité de l’emploi à notre retour, et que si on veut rester et qu’on manque d’argent il faudra travailler ou se limiter.


Créer un blog… ?

Une autre question que je me suis posée : est-ce qu’écrire son voyage ce n’est pas en rater une partie ? Peut-être. Ça demande beaucoup de temps, raison pour laquelle je n’ai jusqu’ici jamais écrit pendant les voyages mais toujours à mon retour. 

C’est aussi romancer ses expériences de façon à ce qu’elles ne ressortent pas forcément comme on les a vécues, finissant donc immanquablement par altérer nos souvenirs. Tout ça me dérangeait…

J’ai donc beaucoup hésité. Au final, je me dis que je vais essayer. L’idée de laisser une trace écrite de ce que l’on vit me plait. J’ai toujours un carnet sur moi quand je voyage d’ailleurs, et le numérique permet une modification et organisation des informations que j’apprécie particulièrement. Et je serais toujours contente de relire les articles dans quelques années !

Si je vois que ça me demande trop de temps, que ça ne me convient pas par rapport à notre rythme et nos envies, alors je laisserai tomber sans regret.


Et sinon, conclusion ?

Je dirais que tout est une question de choix. Nous ne voulons pas d’appart ou de meubles Ikéa. Pas d’enfants ou de chats. Pas de voiture ou de piscine. Nous ne consommons quasiment rien. Nous avons tous les deux refusé de grosses promotions et de nouveaux postes. Et tout ça, ce sera le prix de notre liberté. Ce n’est pas des vacances à durée indéterminées. Ce sont des choix qui ont un coût et que l’on assume parfaitement.

Et si je me fie à mon instinct, je sais qu’on a pris la bonne décision. On verra bien !

Note : six mois après être partis, voici un récap’ de notre voyage 🙂

6 mois de voyage en chiffres et en histoires

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