Le jour où j’ai fêté noël avec un camembert grillé et du gin tonic à la framboise

Il y a des moments en voyage où on tente de réaliser ce qui nous arrive, où l’on est et ce que l’on vit. On prend du recul sur la situation en imaginant la tête hallucinée de notre nous d’il y a quelque années face à ces moments improbables. Vous savez, ce genre de moment qui vous font vous exclamer, mi-incrédules, mi-amusés : « nan mais sérieux, qu’est-ce que je fous là ?… ».

Après tous ces mois de voyage, je crois qu’ils sont ce que je préfère. Dérouter la Lou du passé, ça me plait plus que tout. Que ce soit lorsque l’on crève une roue de notre moto au milieu d’une route paumée en Inde, devant une vue incroyable sur les rizières Vietnamiennes, en train de boire une bière Laotienne avec mes nouveaux amis de route en plein nouvel an à la capitale, ou pendant que je galère à respirer en grimpant une montagne Himalayenne, j’essaie toujours de prendre du recul. Je raconte tout ce que je vis à la moi du passé, comme pour lui dire : « Tu t’y attendais pas à celle-là, pas vrai ? ». Constater que ma vie n’est pas prévisible et tracée d’avance est étrangement satisfaisant.

Porteuses dans l’Himalaya… Difficile de croire que nous étions là il y a un an.

Autant cette sensation est assez fréquente quand on se trouve dans un endroit qui nous semble exotique et incroyable (le périphérique de Hanoï, le marché de Pondichéry, les temples d’Angkor ou la surface apaisante du lac Inle…), autant elle peut se faire plus rare dans un pays culturellement proche du notre. En Nouvelle-Zélande, c’est la lumière du ciel qui me fait cet effet la. Quiconque a déjà pu observer l’horizon et la lumière du pays doit comprendre ce dont je parle. Quand on lève les yeux, on réalise tout de suite que l’on est loin de chez soi. Je reconnaîtrais ce ciel entre mille.

Le ciel de Nouvelle-Zélande, au dessus de la mer de Tasmanie

Arrivée des fêtes

Mais les fêtes de fin d’année accentuent cette sensation. Noël, le nouvel an, ainsi que toutes les dates anniversaires sont habituellement des marqueurs dans nos vies. Ils rythment nos années et nos projets. On sait où et avec qui on sera pour ces moments à l’avance, et les variations au fil des ans restent mineures. Mais en voyage on n’a pas le choix : tout comme notre quotidien, ces instants deviennent hasardeux. Les voyageurs prévoient parfois de se regrouper pour être moins seuls, mais ce sera tout de même une décision de dernière minute.

Alors on se sent loin, plus que jamais. Certains dépriment à cette idée. D’autres en profitent pour faire la fête. D’autres encore ignorent les dates et les vivent simplement comme des jours normaux.


Et moi ?

Personnellement, je suis un peu des trois. Ce serait mentir que de dire que je suis une grande fervente de Noël. Cette fête représente à mon goût beaucoup trop d’incompréhensions et de conventions sociales à respecter. L’organisation est compliquée, les cadeaux pleuvent avec une indécence remarquable, on mange sans compter (ni les calories, ni le budget) et on enchaîne les réunions familiales sur un emploi du temps digne d’un communiquant de Macron pendant une période de manifestation. Non, décidément, je me sens parfois bien loin de mon monde lorsque je suis chez moi à Noël. Alors je l’avoue, une partie de moi est soulagée de ne plus être confrontée à tout ça.

D’un autre côté, on sait que nos familles passent du temps ensemble, créent des souvenirs et des moments dont on ne fera pas partis. Et c’est ça, la difficulté de cette période. Et puis, il y a aussi le fameux esprit de Noël.


Esprit de noël, où es-tu ?

En Nouvelle-Zélande, Noël a lieu non seulement en été mais également pendant les grandes vacances scolaires. Inutile de préciser que l’événement n’a pas la même envergure qu’en Europe, aux USA ou en Amérique du Sud. D’ailleurs, ici ils ne fêtent pas « Christmas Eve » (le réveillon du 24). Ils font un repas le 25 à midi, et voilà. Nos collègues Argentins semblaient désespérés à cette idée : « chez nous, ça dure au moins quatre jours…« . Les français présents opinaient du chef pour signaler leur approbation. Dingue de se dire qu’on avait plus de points communs avec des sud-américains que des kiwis. Sur le papier, ce n’était pourtant pas évident. Même l’année dernière, au Népal, on avait plus l’impression de ressentir la période de noël. C’est pourtant une fête catholique qui n’a normalement pas lieu là-bas.

Alors bon, l’ambiance générale cumulée à notre situation participait au fait que l’on n’avait pas l’impression d’être sur la même ligne temporelle que nos proches. Et qu’on se répétait un peu : « nan mais sérieux… Qu’est ce qu’on fout la ?… ».


D’ailleurs, c’était quoi notre situation ?

Après avoir voyagé avec la famille de Max, nous avons passés trois semaines à travailler sur le van acheté pour mon père et à l’aménager. On est ensuite partis faire un road trip dans le sud pendant deux semaines avec notre pote Zac, qui s’était fait planté par sa travelmate japonaise. Passée cette période, on s’est dit que travailler un peu en attendant la venue de mon père ne serait pas du luxe. On avait trouvé un job de thinning (élagage) dans une ferme de pommes. Ça faisait trois semaines que l’on bossait la bas, vivant dans notre van sur place.

noël nouvelle-zélande
Petite pomme deviendra (peut-être) grande… TROP grande, d’ailleurs… (#bonjourlespesticides)

Deux jours avant Noël, les gérants nous avaient annoncé qu’ils ne voulaient finalement pas payer de jours de congés aux employés et qu’ils préféraient fermer l’exploitation pendant les fêtes de fin d’année. Nos contrats sont donc officiellement finis et nous voici à la porte.

Mais on a beau être le 23 décembre, Maxou 1er ne va pas abandonner comme ça l’idée de gagner un peu d’argent. Il appelle donc une ferme de fruits rouges qui se trouve non loin de la. Sans surprise, on lui dit qu’il n’y a plus de place disponible. Sauf que le lendemain, sans que l’on ne comprenne pourquoi, on nous rappelle pour nous dire que finalement si, si, ce serait bien qu’on vienne, même si on est trois. Après notre dernière matinée dans les pommiers, nous voici l’après-midi même à ramasser des framboises. J’ai déjà dit qu’il était efficace le garçon ?

Dans cette seconde ferme, il n’y a pas d’installation prévue pour les travailleurs. Ce sont surtout des familles qui viennent cueillir pour se faire un peu d’argent de côté.

Un job passionnant 🙂

Comme il n’existe aucun camping gratuit à proximité, on demande si on ne peut pas se garer quelque part dans les champs. On ne prendra pas de place, promis ! Les proprios acceptent sans soucis et nous confient même un petit barbeuc’ portatif (détail important pour la suite). Nous voici donc à installer un campement de fortune entre deux rangées de framboises.

noël nouvelle-zélande
Ça, c’est de l’installation de pros !

Un Noël aux petits oignons

Du coup, on comprends que l’on va passer Noël ici. Point de four ou de frigo (on se douche au tuyau, alors tu penses !), le repas du réveillon sera frugal, les enfants ! Zac choisi l’alcool : ce sera du Gin Tonic. Perso, je m’en fous, je mise tout sur la bouteille de blanc que Géraldine nous a amenée lors de sa venue et que j’ai pris soin de conserver en vue précise de lui faire sa fête à Noël.

On fait un tour dans les rayons du supermarché et rien ne nous emballe. On commence à connaître les produits locaux… Soudain, une idée fuse ! Et si on utilisait le barbecue portatif pour faire un camembert grillé ? Ça, on sait que c’est une valeur sûre !

On file au rayon fromage (que j’évite d’habitude comme la peste, vu la tristesse et le budget de l’endroit) et on zieute un camembert Président. Ici c’est un luxe ultime : 17 dollars, le frometon ! Pas étonnant que la dernière fois que j’en ai mangé c’était… en France, il y a un an et demi. Mais bon, c’est Noël que diable !

On chope quelques patates en prime, et voilà, on peut célebrer Noël dignement. Enfin, disons qu’on a de quoi sauver les meubles, au moins.

Voici comment, deux heures plus tard, je me retrouve avec un verre en plastique rempli de vin blanc importé de France dans lequel flottent quelques framboises ramassées dans le champs d’à côté. Max ravive les braises pour faire cuire ce camembert hors de prix qui sera notre foi gras à nous. Et Zac s’occupe de la musique sans écouter notre désapprobation.

Pas de baguette, ça aurait été trop beau !

Devant ce spectacle imprévu et déroutant, je ne peux que me dire, mi-incredule, mi-amusée : « nan mais serieux, qu’est ce que je fous la ?… ».

Et je bois une nouvelle gorgée.

noël nouvelle-zélande
Bonnes fêtes à tous !

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