La voyageuse sexy est un mythe

Hier, en prenant ma douche dans un camping de banlieue de Christchurch, je me suis regardée dans le miroir pour la première fois depuis un petit moment. Je ne sais pas si c’était la lumière extrêmement valorisante des néons ou le fait que je venais de traverser l’hiver néo-zélandais, mais j’avais clairement une sale tête.

De fils en pensées, ce constat m’a ramené à une discussion que j’avais eu avec Névine, ma potesse rencontrée sur les routes du Laos. Elle voyageait en Asie du Sud-est depuis 3 mois et commençait à perdre un peu les illusions qu’elle s’était faite sur le voyage. C’est comme ça qu’elle m’a lancé :

« Quand je suis partie de France, j’étais persuadée que j’allais revenir hyper mince, la peau toute bronzée et les cheveux blondis par le soleil. Mais quand je vois la tête que vous avez alors que vous êtes partis depuis 7 mois, je me dis que c’est pas gagné. »


Le voyage, ça vous gagne ! Je crois…

Outre le fait que cette petite mesquine se foutait bien de notre gueule, elle avait visé juste. Parce qu’il fallait bien l’admettre : le voyage, en vrai, ce n’est pas du tout sexy.

Pourtant, avant de partir, on en était sures. Après tout, on quittait notre vie de Françaises au teint pâle et au regard rivés sur les écrans, dont les jambes ne sont sollicitées qu’à l’occasion d’un arrêt pipi ou d’une sortie sport hebdomadaire qui nous fait cracher nos poumons (histoire de ne pas dépérir, quand même). Partir à la découverte du monde, ça allait nous faire respirer le grand air, prendre le soleil, développer nos muscles, améliorer notre alimentation et perdre ce petit bourrelet que l’on a jamais trop aimé mais que l’on a fini par accepter, par dépit.

D’ailleurs on en avait vues, des photos de voyageuses « croquant la vie à pleines dents », respirant le grand air, de dos, l’air rêveur, faussement inconscientes de la présence de l’appareil photo qui les mitraille. Elles étaient magnifiques, et on se disait qu’on s’en rapprocherait un peu, avec le temps.

Collage de photos fait par « Insta Repeat », qui montre le manque d’originalité des voyageurs sur Instagram (et la superficialité des images).

Sauf que….

Mais voilà, après trois et sept mois de voyage, on n’était pas tellement plus sexy qu’avant. En fait, on était même pires.

Le soleil avait certes blondi nos cheveux, mais les avait aussi complètement asséchés. Les changements de rythme, de climat et d’alimentation les faisait tomber. Et comme on ne pouvait pas toujours prendre de douche, ils étaient gras. Notre poids variait et on grossissait souvent : le riz faisait gonfler nos estomac, nos cafés étaient bourrés de sucre, les plats de certains pays étaient bien trop gras. Les treks n’étaient pas si fréquents, et parfois on ne levait pas les fesses de la moto de la journée. Nos vêtements étaient difformes et se salissaient très vite, sans que l’on puisse toujours les laver. Le casque de moto et les chaussettes de rando nous laissaient des marques de bronzage ridicules. D’ailleurs, dans la majorité des pays visités il aurait été irrespectueux de se mettre en maillot de bain. On avait oublié le concept même du maquillage. On n’était pas épilées.

« Tu crois que c’est le moment pour me prendre en photo ?? »

Et pour rien au monde on aurait changé ça.


Vivre. C’est tout.

Parce qu’on n’avait pas le temps, et surtout l’envie, de se préoccuper de tout ça. Parce que les gens que l’on croisait ne se posaient pas la question, eux. Et parce qu’on s’était habitué à nous-mêmes, version brut.

Alors quand on croisait une de ces filles au teint uniformément doré, aux longs cheveux blonds parfaitement hydratés et à la taille de guêpe, Névine et moi levions les yeux au ciel en souriant. On pouvait toujours être un poil jalouses de son potentiel instagramable, mais au fond, on savait. Elle, elle voyage autant que le vieux tonton André qui va au Club Med de Marrakech. Et malgré tout le respect que j’ai pour tonton André, je n’ai aucune envie de lui ressembler.

Le voyage, ça fait vibrer. Ça déconcerte, ça fait peur, ça surprend, ça cultive, ça rend humble, ça t’envoie un tsunami de liberté dans la gueule. Ce n’est pas une question de destination, de point d’arrivée. Tu peux continuer à t’admirer, à t’occuper de ton apparence, à faire semblant de ne pas poser. Mais le temps que tu passes à prendre soin de ton image, c’est du temps que tu ne passes pas à te nourrir de ton environnement et de la vie qui s’y trouve. Si tout ce que tu vois dans un beau panorama c’est le nombre de « like » qu’il te rapportera quand il te servira de fond pour ta nouvelle photo de profil, c’est que tu passes à côté de tout ça.

Le voyage ne rend pas sexy. Et on s’en fout royalement.

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